Savoir gérer les perspectives
Votre appareil n’est pas très ami avec les notions de perspective en photographie. Le problème se concrétise le plus souvent par des bâtiments déformés, mais aussi plus sournoisement par des portraits à gros nez et petites oreilles. Même si ces transformations peuvent être voulues par le photographe, photographe Lille il doit savoir les anticiper. Voici comment procéder. Jacques Croizer, collaborateur régulier de Nikon Passion, vous propose cette réflexion sur les dessous de la prise de vue. Pour aller plus loin, découvrez ses deux guides photo. Voir les livres « Tous photographes ! » … La perspective en photographie : mise à plat Exemple de perspective en photographie La Défense – f/6.3 à 1/500 s – Photo (C) Jacques Croizer L’être humain possède deux yeux. Ils enregistrent chacun une image légèrement décalée qu’ils envoient en temps réel au cerveau. Ce déphasage lui permet d’évaluer les distances et de percevoir la profondeur de la scène. Il est alors capable de nous en restituer une image en trois dimensions. A quelques exceptions près, mais qui sont à ce jour plus de l’ordre de la curiosité, nos appareils photos ne sont pas encore dotés de la vision stéréoscopique. Nous cadrons une scène en trois dimensions, ils la restituent sur une surface plane, capteur dans un premier temps, puis écran ou papier. C’est le problème de la perspective en photographie. Le cerveau se remet au travail pour nous donner l’illusion que la photographie que nous regardons est elle-même en relief. Vous pressentez bien qu’à force d’approximations, ces deux perceptions vont avoir quelques difficultés à converger … Et vous avez raison ! Je ne crois que ce que je vois ? Observez attentivement la figure ci-dessous. L’écran est plat, c’est notre seule certitude. Pourquoi le cercle noir donne-t-il alors l’impression d’être en arrière des deux cylindres ? Eloignez-vous à un mètre, puis revenez très près de l’écran, en fixant le point noir. Ne le voyez-vous pas qui s’avance peu à peu ? La perspective nous joue des tours Même si elle n’est pas aussi évidente lorsque vous observez une photo, cette illusion d’optique est tout aussi opérante. Pour qu’une image restitue aussi fidèlement que possible la réalité, il faudrait la regarder sous un angle identique à l’angle de champ de l’objectif avec lequel elle a été prise : de loin si vous avez utilisé un téléobjectif, de près si elle a été faite avec un grand angle. Les spécialistes parlent de distance orthoscopique, une notion qui n’a bien évidemment rien à voir avec la distance de confort à laquelle nous regardons habituellement un document. Nous partons vraiment sur de très mauvaises bases pour parler de perspective, une fois l’image aplatie sur un écran ou sur une feuille de papier … Observons tout cela plus concrètement. Ça penche ! L’enclos paroissial de Pleyben est un haut lieu du tourisme armoricain, dans tous les sens du terme : le plus grand des deux clochers culmine à plus de quarante-sept mètres. Un immeuble de quinze étages en plein cœur du village. Approchons nous. Perspective en photographie – Clocher de Pleyben f/7.1 à 1/200 s – 24 mm – Photo (C) Jacques Croizer Le plus petit des deux clochers semble être pris d’une attirance irrésistible pour son grand frère. Et que dire de la maison de gauche, dont la façade et la toiture sont encore plus déformées ? L’explication est à rechercher dans la hauteur du clocher. Pour prendre la photo de l’ensemble, il a fallu fortement lever le nez de l’appareil. Nous sommes typiquement face à un problème de perspective en photographie : le photographe a prêté attention à la verticalité du clocher principal, mais il en a subi les conséquences sur les éléments architecturaux placés en bordure du cadre. A cette distance, il n’était pas possible de faire mieux, si ce n’est en utilisant un de ces coûteux objectifs à bascule qui corrigent automatiquement la perspective (par exemple le Nikon PC-E 19mm). Point de vue On appelle point de vue l’endroit où se place le photographe pour cadrer un sujet. Le point de vue a un impact fondamental sur la géométrie finale de l’image. Pour ne pas déformer les volumes, il faut autant que possible occuper une position centrale, tant en largeur (au centre de la scène) qu’en hauteur (ni plongée, ni contre plongée). Le point de vue idéal Pour bien gérer la perspective en photographie face à un immeuble, il suffit de se déplacer pour se centrer horizontalement. Il est très souvent bien plus difficile de le faire verticalement, à moins d’utiliser la grande échelle des pompiers ou un hélicoptère … Si vous n’en avez pas les moyens, quelle en sera la conséquence ? La partie la plus haute du bâtiment, qui est aussi la plus éloignée de l’appareil photo, apparaîtra moins large que sa base. Comment y remédier ? Sur le schéma ci-dessous, les traits pleins relient la base du bâtiment à l’appareil photo. Les traits pointillés font de même avec son sommet. Comparez leurs longueurs : dans la position idéale, centrée verticalement, elles sont identiques. Au pied du bâtiment, le pointillé rouge est deux fois plus long que le trait plein de la même couleur. Lorsque le photographe se recule, les deux lignes (en bleu) tendent à retrouver des dimensions comparables. C’est le bon compromis pour limiter les déformations : à défaut de pouvoir prendre de la hauteur, éloignez-vous, quitte à utiliser une focale plus longue si vous souhaitez conserver le cadrage initial. Eloignez-vous pour limiter les déformations Lorsqu’il cherche le bon point de vue, le photographe doit donc tout autant se déplacer, qu’il utilise un zoom ou une focale fixe. Parfaitement conscient de prendre le risque de déclencher un tollé général dans la zone commentaires en bas de cette page, concluons ce paragraphe en ajoutant que le zoom aurait même un léger avantage sur la focale fixe, si on en reste aux questions de cadrage et de perspective… Mais on ne peut pas être bon partout ! Perspective, focale et capteur Certains concluront un peu hâtivement de la fin du précédent paragraphe qu’un téléobjectif déforme moins la perspective qu’un grand angle. Il n’en est rien. Prenez la photo avec un grand angle en vous éloignant du bâtiment : le champ embrassé sera bien évidemment plus large, mais si vous coupez l’image pour restituer le cadrage obtenu avec le téléobjectif, vous constaterez que les déformations sont les mêmes. Plein format ou APS-C, la taille du capteur ne modifie pas non plus la géométrie de l’image. Un capteur plus petit ne fait que la recadrer, donnant l’illusion de la grossir. Pour obtenir le même cadrage avec un grand capteur, il faut se rapprocher du sujet. C’est donc encore une fois la distance à laquelle il se trouve qui intervient, et non la taille du capteur. C’est une règle fondamentale de l’optique : la perspective dépend uniquement du point de vue. Nous sommes toujours à Pleyben, mais cette fois ci à l’extérieur de l’enclos. L’objectif utilisé reste le 24 mm. Le cadrage est donc bien évidemment plus large. La verticalité est faite sur la médiane de l’image, au niveau du porche. La déformation liée à la perspective subsiste, mais elle est nettement minimisée. Elle sera donc plus facile à corriger… car c’est la bonne nouvelle : il est toujours possible d’aller plus loin avec son logiciel de post traitement ! Le petit plus du post-traitement Les logiciels permettent pour la plupart de corriger les déformations liées à la perspective. Le principe est simple. Des poignées sont ancrées aux quatre coins de l’image. En tirant sur les angles, l’opérateur ramène la forme initialement trapézoïdale à un rectangle plus ou moins parfait, mais qui rendra plus confortable la lecture de l’image. Bien entendu, cette manipulation suppose que la partie de la photo qui dépasse soit ultérieurement coupée. La prise de vue doit donc anticiper cette perte : il ne faut pas hésiter à cadrer large ! Ne comptez toutefois pas trop sur cet artifice : une retouche marquée laisse toujours des traces. Dans le cas d’une photo prise au niveau de la rue, la correction trapézoïdale provoquera un élargissement des épaules et de la tête des personnages qui se promènent au premier plan. Ils prendront tous l’apparence de Hobbits haltérophiles. Conclusion Nous l’avions dit en introduction, la perspective sera toujours plus ou moins une histoire de compromis. S’il subsiste un inconfort dans la lecture de l’image, il doit être justifié par le sujet.